Ah, le style rhétais ! (mettez un h après le r, ça fait plus chic). « Comme c’est chaârmant toutes les petites maisons de pêcheur, blanchies, aux volets verts », déclarent Monsieur, Madame, en présentant leur projet de “style”, utilement conseillé par l’agent immobilier, complaisamment dessiné par l’architecte local, et approuvé, tamponné, par Monsieur le Maire : un amoncellement de boîtes disloquées, ça fait village…
L’identité de l’île se dilue, se perd, se fourvoie dans une image de catalogue glacé. Le bâti sobre, si simple, si pur, est oublié. Les règlements architecturaux s’adaptent à ces nouvelles formes attendues. Des tentatives de création sont sévèrement censurées au profit de clichés recomposés dans l’imaginaire folklorique. On corrige, on fait des efforts, le CAUE publie une plaquette, les règlements de la ZPPAUP rappellent le caractère des lieux. Mais, inévitablement (par lassitude ?), le style charmant de l’île de Ré revient en force. On recompose un paysage de vacances convenu avec une nouvelle identité léchée, apprêtée.
Étrange devenir de ces sites touristiques convoités qui se transforment en s’adaptant à un univers préfabriqué. Cependant, n’en a-t-il pas toujours été ainsi ? Le style balnéaire du néo-normand ou du néo-basque, par exemple, était un régionalisme revisité. Dans ce cas, il s’agissait d’une démarche volontaire avouée et délibérée. Aujourd’hui, sous couvert de vrai, on repeint consciencieusement une bande noire au pied de murs en parpaings enduits au ciment et l’on fabrique des ambiances faussement patinées au nom de l’authentique. Quel est le devenir de ces lieux ? Ils se sont orientés vers une mono-activité, le tourisme. Même les autres ressources économiques, la saliculture, la viticulture, le bâtiment (surtout le bâtiment), n’existent qu’au travers du support du tourisme. Un retour à autre chose reste à inventer, mais semble bien illusoire. Alors, vive le style île de Ré !
Jacques Boissière
ABF, chef du SDAP de Charente-Maritime